samedi 22 novembre 2008

Divagations en attendant le prochain bug

Jour de solitude forcée, contrainte par les événements. Ne pas y penser. Jour gris et légèrement pluvieux sur cette petite station balnéaire de Bretagne nord où j'ai posé mes bagages et déposé une partie de ma vie, en me demandant où tout cela me mènera. J'avais prévu de travailler. De relire des textes anciens dans lesquels je peine à me reconnaître. Et d'écrire des pages nouvelles qui devraient m'apporter la reconnaissance de la petite communauté scientifique à laquelle j'appartiens. Tout cela m'ennuie un peu. D'un œil, je surveille ma connexion Internet qui semble vaciller depuis quelques semaines. Mais l'Adsl n'y est pour rien. Mes amis réels sont trop occupés à vivre leurs week end. Et surtout Fabula reste bien silencieuse. Elle ne fait plus sonner mon Gmail notifier. Elle ne m'envoie plus de lettres poétiquement outrées ou de messages intempestifs. Tout va bien. Personne ne viendra troubler mon travail. J'écoute le doux ronronnement de mon ordinateur portable en scrutant de temps à autre le vide animé et coloré du Web. J'explore quelques nouvelles pistes musicales sur Myspace ou Deezer qui se demande ce que je fais là et me propose d'aller faire un tour sur Meetic alors que je visais plutôt Facebook où j'ai ouvert un compte. On ne sait jamais, si cela pouvait me permettre d'étendre mon réseau d'amis lointains. Mais ces lieux de rencontres virtuelles me semblent trop organisés et formatés pour ma promenade. Je rêve d'une rencontre dans la rue où je ne suis pas. D'un échange de regard dans ce métro dont je me suis éloigné. Ou même, des voiles pudiques d'une danse amoureuse décrite par Philip Roth. Rien de tout cela ne m'est accessible. Je poursuis mes divagations, attendant le prochain bug...

(Christophe Camus)

11 commentaires:

Thierry Laus a dit…

mots extraordinairement touchants,...

(trop sensible à l'instant pour dire mieux, ou plus, ou autrement.)

disons seulement qu'en te lisant, j'ai aimé la Vie, comme elle peut être, lointaine, présente,...

il neige, ici. la nuit tombe. il y a quelques minutes, il y avait encore une très douce lumière, maintenant celle de la nuit, sur la neige,...

ma pensée.

Jean-David a dit…

Seul, donc, Christophe, dans cette cette "villa triste" ou dans cet hôtel balnéaire et pluvieux ?
Entre le thermalisme si désuètement charmant de Modiano, les longs couloirs, façon Marienbad, de Cabourg ou l'atmosphère plus rustique mais si singulière de la Bretagne, moi aussi j'aime m'isoler parfois, de préférence hors saison, dans des lieux de passage ou bien plus familiers mais privés par la saison de leur insignifiance radieuse et estivale. Il y a tant de villages, de petits ports bretons (je suis plutôt adepte du Finistère Sud) comme Doëlan où la présence de la mer, l'odeur du varech, les habitudes locales, la beauté du paysage et la simplicité des lieux inspirent et communiquent un apaisement. On y emmène toujours un travail à faire, des épreuves à corriger, un livre à lire (ou à relire), autant de voeux pieux qui, le plus souvent,laissent plutôt place à la rêverie. Je me souviens pourtant d'un mois de septembre à Beg Meil où, sur des plages désertes et plutôt grises (car les grandes marées avaient amené le changement du temps qui inexorablement annonce la fin de l'été)j'avais emmené un pavé retrouvé dans une armoire, "La Philosophie de Saint Bonaventure", par Etienne Gilson je crois, et il y avait comme un défi et une délectation à feuilleter ces pages austères sur l'angélologie bonaventurienne entre deux coups de vent,le pèlerinage au marché de Quimper et le thé au coin du feu. J'avais 21 ans mais je me souviens toujours de cette fin de saison, des petites barrières blanches ouvertes sur des jardins déclinants, des maisons fermées jusqu'à un autre été et du bruit des pins craquant dans la pinède ; j'écoutais aussi le Concertino pour piano de Honegger, je me rappelle, surtout le petit mouvement lent, ou une mélodie mélancolique du piano est accompagnée par des scansions lancinantes des vents.
Car, il y avait le "baladeur", déjà mais Internet n'existait pas, les téléphones portables n'existaient pas, les ordinateurs portables n'existaient pas non plus et la télévision n'avait que trois chaînes. C'éait presque le "bon vieux temps", et il fallait aussi six heures de route ou cinq heures de train (mai pour le train, ça n'a presque pas changé!) pour atteindre les finis terrae depuis Paris.

Si loin de tout, du moins pour un parisien qui n'avait jamais testé le désert ou les très lointains voyages, la fin de cet été 1981 reste dans ma mémoire et ces plages et ces chemins creux souvent parcourus y figurent encore comme des moments privilégiés, où l'on n'explore pas seulement "le pays", mais aussi le paysage intérieur et celui-là connaît aussi les saisons..

Anonyme a dit…

C'est une chance, la mer, grise entière et son bruit retenu.Il y aura du moins en moins tant qu'il y aura la mer.Même sale, même étale, ou tapie. Même blessée, chiffonnée, racornie.La solitude y repose et les yeux leur lointain. Point de fuite, encor.

Christophe Camus a dit…

Mais vous étiez donc là, tapis dans l'ombre chatoyante du Net !!! En tout cas, vos réactions rapides, touchées, nostalgiques ou poétiques me redonnent pleinement confiance dans la vertu de nos amitiés électroniques.

Thierry Laus a dit…

Elles sont.

Anonyme a dit…

Touchée par la gravité des mots, de ceux de Christophe et de ceux des réponses : la douceur de ce temps maussade est propice aux effusions. Merci à vous tous de ce que nous partageons. Ce n'est pas vrai que nous sommes loin, ni séparés, ni importuns.
A portée de voix.
Ici le vent normand a apporté le froid : j'ai deux bébés qui dorment dans ma maison cette nuit. Pour la première fois sans leurs parents... les chats jaloux tournent en rond et puis se sont enroulés pour dormir à leur tour.
Chaleur et odeur d'enfant après le bain. Mes mains sentent bon.
Tant d'amour à partager.
Anne-Marie

Jean-David a dit…

Thierry, la lumière de la nuit sur la neige me rappelle que Julien Green qualifiait de "plus belle phrase de la littérature française", ce passage du récit de la chute de la princesse des Ursins dans les Mémoires de Saint-Simon :
"La nuit était si noire que l'on n'y voyait qu'à la faveur de la neige".
Bonne pensée nocturne sinon neigeuse ici..

Anonyme a dit…

Trop fatiguée, pour ajouter mes mots aux vôtres, mais en tout cas, merci, Christophe, et vous tous, Dinard, St Malo, la Normandie (laquelle, AM?), la mer, la mer, je vais aller dormir, bercée par les souvenirs d'enfance.

Anonyme a dit…

Christophe qui détient les clefs d'ici, trouve les tiennes !, celles qui te conviennent, là où tu es ou ailleurs ; c'est quoi exactement le pouvoir de nos petits coq-à- l'âne, de nos sautes d'humeur dans ce cas ?
Françoise

Jean-David a dit…

Et pourtant, Françoise, parfois, même sans être LUI et sans avoir Son pouvoir, dire "seulement une parole" peut provoquer des miracles...

Christophe Camus a dit…

Je vois que mes états d'âme ont suscité la réaction de notre petite assemblée (je n'ose plus dire "communauté"). Vous avez tous saisi dans mes mots, quelque chose qui vient de moi mais aussi certainement de vous, c'est ce qui me touche vraiment.
J'aime beaucoup l'idée de Françoise, qu'après avoir distribué tant de clés virtuelles, il me faut trouver mes propres clés. Très belle et très juste image que je garde au fond de ma poche.